Comment fait-on nos bulles ? 

Bulles
Des textes égyptiens, grecs et latins semblent déjà mentionner les vins effervescents. Sans doute agités par l’action de levures existantes sur la peau des raisins, c’est le même processus qui s’opère lors de la première fermentation alcoolique. Seulement, il ne s’agit pas exactement de nos bulles.

La première bulle des bonnes bulles, c’est-à-dire dans une bouteille, vient de l’Abbaye de Saint-Hilaire. C’était en 1531, bien avant le champagne. Bien plus tard, Dom Pérignon, moine-œnologue de génie, aurait rapporté d’un pèlerinage à Limoux, la méthode d’élaboration des vins effervescents. En découvrant le champagne, il se serait écrié : « Venez mes frères ! Je bois des étoiles. » ou encore « j’ai bubulle » (aucune source n’atteste ni de la première citation qui est célèbre ni de la seconde).

Pourtant, on ne la voulait pas la bulle à l’époque. On cherchait absolument à éviter la prise de mousse qui faisait éclater les bouteilles et qui provoquait des pertes colossales. On le nomma même, ce vin, le « vin du Diable », symptomatique d’un mauvais travail de vigneron, d’un artisan diabolique qui ratatine une production. Bref, la bulle est absolument maléfique.

C’est peut-être aussi que les Anglais seraient pour beaucoup dans l’élaboration des vins effervescents, au point tel que l’on devrait presque leur en attribuer la paternité. C’est un excentrique Londonien, Kenelm Digby qui inventa au 17e siècle un verre noir suffisamment résistant pour contenir le pouvoir des bulles. Ensuite, d’autres Anglais ont inventé la bouteille de verre hermétique. Puis, nos sempiternelles bisbilles ont fait le reste. La guerre dans l’Histoire ce n’est pas que de la boucherie, ça a permis des échanges culturels et ça a créé des liens. L’ancêtre des Erasmus quelque part. Et l’on a longtemps échangé avec les englishs, du sang, des larmes et les bonnes choses aussi. En Anjou, on doit également beaucoup aux Anglais (voir l’Histoire des vins en Anjou).

Aux origines du gaz carbonique.

Après vendange, on presse les raisins pour obtenir un jus, le moût de raisin. Et on va faire subir à ce moût une première fermentation alcoolique. L’on va rajouter des levures qui vont consommer le sucre présent naturellement dans le mout pour le transformer en éthanol et en dioxyde de carbone en grosse quantité. Sauf que ce CO2 va retourner rapidement dans l’atmosphère parce que cette fermentation se fait en cuve ouverte. Donc, ce n’est pas ici que l’on trouve nos bulles pour notre vin. À la fin de cette première fermentation alcoolique, on obtient un vin de base, un vin tranquille.

C’est alors que l’on procède au tirage, c’est-à-dire que l’on embouteille le vin tranquille. On les couche alors « sur lattes » en cave à une température de 11-12 °c comme dans un lupanar.

Arrive alors la prise de mousse que nos moines cherchaient radicalement à éviter. Le mauvais coup du diable qui faisait exploser les bouteilles. Bing ! Clap! Plof ! Ou pas, maintenant que l’on a des bouteilles bien plus robustes et qui ne craquent pas sous la pression.

Alors on va rassembler les vins de base dans ces bouteilles et on lui faut subir un certain traitement, une seconde fermentation alcoolique. Cela consiste à rajouter une liqueur de tirage composée de sucre et de levures qui avaient été consommés lors de la première fermentation. Seulement cette fois si, on ne laisse plus les bulles s’échapper, les bouteilles sont fermées, les bulles sont prises au piège ! La mousse est prise. Une partie du gaz sera en phase vapeur, celle qui provoquera le « pop » et une autre partie en phase dissoute que l’on ressent en bouche. Ces deux phases du gaz participent du goût. Le « pop » est essentiel !

,”Ce que les auteurs appellent le “cork-popping” ou le “pop” du bouchon est finalement la clé du plaisir apporté par la consommation de cette boisson de Fêtes. Car selon les études de cette édition spéciale bulles et leur “pop” qui améliorent notre perception des arômes. Un arôme et un goût qui résultent de l’interaction complexe entre le niveau de CO2 et les composés organiques volatils, responsables de l’arôme dispersé dans des bulles. Mais aussi du cru, de la température, de la forme du verre et du taux de bulles.”[i]

Eh oui ! La taille, ça compte !

Plus qu’elles seront fines (jusqu’à 10 millions par verre), plus que les bulles seront petites, plus qu’elles sont nombreuses — un verre de champagne peut en libérer plus de 10 millions — et plus qu’elles permettent aux molécules aromatiques de se libérer. Pensez-y à votre prochaine coupe à ces millions d’interactions, à ces explosions en chaîne, à cette alchimie dans votre bouche.

[i] European Physical Journal ST (In Press) DOI: 10.1140/epjst/e2017-02677-8G Bubble Dynamics in Champagne and Sparkling Wines: Recent Advances and Future Prospects, DOI: 10.1140/epjst/e2017-02678-7 Effervescence in champagne and sparkling wines: From grape harvest to bubble rise DOI: 10.1140/epjst/e2017-02679-6 Effervescence in champagne and sparkling wines: From bubble bursting to droplet evaporation (Visuel@Gérard Liger-Belair)

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