Qui du vigneron ou du viticulteur est premier ?
Comme d’autres, triés sur le volet, ils font partie des plus vieux métiers du monde.
Ça a débuté comme ça. Il y a quelques centaines de milliers d’années, nos lointains ancêtres du Paléolithique inférieur (-500 000 à -120 000) se nourrissaient des grains de la lambrusque, la vigne sauvage ou vitis vinifera. Cent mille ans s’écoulent, et, entre -12 000 et -2000, nos ancêtres du néolithique cueilleurs de la vigne se métamorphosent en cultivateurs.
Nous trouvons les premières traces d’une culture de la vigne sauvage aux abords du lac Léman en Suisse vieille d’à peu près 14 000 ans. Par la suite, d’autres traces se trouveront éparpillées d’Europe jusqu’au Caucase. En France, les traces de cette protoculture se trouvent dans les palafittes du lac du Bourget. Il s’agissait alors d’une culture sporadique, aléatoire et involontaire.
De pépin en pépin, la vigne sauvage devint la vigne cultivée.
La lambrusque, largement binaire, présente parfois des individus au caractère hermaphrodite. Ce caractère facilite grandement la reproduction. Beaucoup plus propice à être cultivé, nos ancêtres firent la sélection et avec elle naquit la viticulture. Ce sont nos amis les Soviets qui découvrirent que cette sélection s’opéra en Géorgie, vers la fin de l’âge de pierre, environ 5 000 ans avant notre ère. Aujourd’hui, tous les cépages sont les fruits de cette vigne mère.
Bien, alors nous avons vu que la viticulture ne s’est pas faite en un jour, mais, et le vin dans tout ça ?
Nous serions instinctivement tentés de répondre que le viticulteur est antérieur au vigneron ; ça n’est pas si simple.
Hugh Johnson écrivain britannique, spécialiste du vin et auteur de multiples best-sellers, — définitivement une sommité — résume cette idée dans son livre Une histoire mondiale du vin :
« Le vin n’a pas à être inventé, il était là où l’on cueillait le raisin et où on le déposait même pour un temps très court dans un récipient capable de retenir son jus. Il y a eu du raisin, et des hommes pour le cueillir depuis plus de deux millions d’années. Il serait étrange que l’homme préhistorique nomade n’ait jamais eu à observer le phénomène de la vinification… Sans en avoir la preuve définitive, on peut supposer que l’homme de Cro-Magnon, par exemple, qui vivait dans une forêt où la vigne poussait à l’état sauvage, et qui a pu peindre les chefs-d’œuvre de la grotte de Lascaux, connaissait le vin ».
Ces deux professions se sont confondues naturellement au cours de l’histoire de la vigne.
Quelles différences ?
Le viticulteur c’est très simple, il est le jardinier de la vigne. Il s’occupe de la plantation, de la croissance et du bien-être des vignes. Il se met au service de la vigne afin qu’elle puisse produire les meilleurs raisins. Il s’occupe aussi des vendanges. Une fois vendangé, le viticulteur décide de ce qu’il convient de faire de ses raisins, il peut alors les confier à un domaine voisin, une cave coopérative ou à un négociant.
Le vigneron, lui, touche-à-tout. Il est présent à chaque étape de la fabrication du vin. Cela commence par l’entretien des vignes et se termine à la mise en bouteille du vin. Comme le viticulteur, il devra récolter le raisin pendant les périodes de vendanges, effectuer le relevage et le palissage, trier les bourgeons, retirer les pousses à la base des pieds de vigne, labourer, réaliser l’épamprage et le rognage des vignes, et cetera, et cetera.
S’en suit l’élaboration du vin. C’est là le travail spécifique du vigneron. La vraie différence est que le vigneron produit son vin. Et, après la mise en bouteille, il reste une étape ô combien importante : la commercialisation de ses cuvées.
Pour résumer, le travail du viticulteur est de suer pour la vigne, le travail du vigneron est de suer pour le vin. La vigne étant au cœur de tout, un bon vigneron ne peut être qu’un bon viticulteur. Chez les Canons, nous sommes vignerons.