Cépages migrateurs

Grappe de raisin vert représentant les cépages migrateurs dans un vignoble
Y’a pas plus voyageur qu’un cépage. Il s’essaye partout, il cherche son trou. Celui où qu’il se sentira le mieux pour ses raisins. Il veut s’épanouir sur des sols généreux et qui seraient à son goût. Il pérégrine longtemps avant de se sédentariser dans un endroit propice. D’un cépage à l’autre, on n’a pas les mêmes goûts en matière de sols, de minéraux, de climats, etc. Puis, même pour ceux les plus hétéroclites, qui se trouvent bien avec tous les sols, les pas farouches… Eh bien ! ça ne donnera pas les mêmes raisins en fonction des sols.
« Dis-moi ce que tu manges, je te dirais ce que tu es. » Disait le gastronome illustre Anthelme Brillat-Savarin. La rumeur adultéra le mot en « vous êtes ce que vous mangez », l’adage s’applique aussi aux cépages.

La Loire en est bourrée de ces cépages migrateurs. De toute façon, en remontant suffisamment loin, on ne vient jamais vraiment de là où l’on naît ni de là où l’on est. C’est dans le Caucase que l’on trouve les premières traces de vignes, qui dateraient du Ve millénaire avant notre ère. Pourtant, il est évident que la vigne existe de tout temps, ou presque, en tout cas bien plus loin que quelques millénaires. Les cépages eux sont bien plus jeunes que la vigne. Ils sont issus d’une sélection, de croisements, d’essais plus ou moins harmonieux. Ce sont des créations tout à fait artificielles.

Dès lors qu’on sait où sont nés certains cépages, on peut presque en suivre le voyage qui les a conduits en Anjou pour terminer dans nos Canons. Seulement approximativement, certains se sont faits tellement discrets qu’il est impossible d’affirmer d’où ils viennent.

Nous allons donc explorer ensemble l’histoire de nos cépages d’Anjou et particulièrement ceux que nous cultivons chez les Canons.

Le Chenin, roi d’Anjou, pépin d’Artois.

La tentation vernaculaire angevine serait de croire immédiatement que le roi serait de chez nous. Pourtant, si sa renommée s’est bien faite ici, ses origines sont sans doute ailleurs.

C’est un descendant (semis) du Savagnin, ce qui nous pousse à croire que le cépage aurait fait son apparition au XVIe siècle entre l’Anjou et la Touraine. Il est fait état qu’au début du xvie siècle des efforts sont accomplis par Thomas Bohier au Château de Chenonceau et par son beau-frère l’abbé de Cormery, au manoir du Montchenin, sur les pentes de l’Echandon pour essayer d’acclimater des cépages réputés provenant de toute la France.

Ces essais se sont largement développés sous François 1er. De ces expérimentations, bon nombre de cépages ont trouvé leurs terroirs. Et, le plus probable est que le chenin ait fait son apparition à cette époque-là, vraisemblablement à partir d’un pépin récolté près d’Artois.

Après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, certains huguenots d’origine française, émigrés en Hollande, trouvèrent refuge en Afrique du Sud. Ils emportèrent le cépage dans leurs bagages. Les vins de Loire avaient un débouché énorme en Hollande à cette époque. Ils plantèrent le chenin à partir de 1688 dans ce coin si éloigné, particulièrement à Franschhoek (littéralement « le coin des Français » en afrikaans). Le « steen » qu’ils l’appellent là-bas. Le chenin fut aussi importé en Australie dès le XIXe siècle.

Il possède de nombreux demi-frères, parmi lesquels le sauvignon ou encore le verdelho de Madère. Cependant, on ne peut pas douter que l’histoire du chenin est celle de la Loire et que c’est dans cette région qu’il se sent le mieux.

C’est bien pourquoi nous, chez les Canons, on en fait notre Canon brut – Le Chenin, ou notre vin Canon Blanc « Montagne » sur les coteaux de Bonnezeaux.

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