En viticulture comme ailleurs, le monde de demain sera robotisé. Marche forcée du progrès technique. On peut essayer d’y résister, mais, in fine, il faudra bien s’y résoudre. Les Américains et les Australiens ont déjà une bonne avance. Il est vrai que les pays issus de longues traditions résistent toujours un peu plus au changement. Ils s’accommodent de tout pourvu de ne pas avoir à évoluer. On y a gardé le goût du travail manuel. Du moins, on « essaye de s’en persuader. Mais, on arrive au bout de ce que l’on pouvait résister. Maintenant, où sont passés nos saisonniers ? Chaque année est plus difficile ! Toujours moins de volontaires pour venir s’occuper des vignes. À raison, il est de plus en plus difficile de les loger avec l’évolution des normes sanitaires. Une certaine pénibilité qu’il est plus aisé d’assumer lorsque l’on est jeune ; les vendanges précoces. Ça n’attire plus comme avant.
Tout plein de difficultés qu’un robot ne pose pas.
La robotique en viticulture évolue. Alors, l’un des premiers enjeux est de rester compétitif. Les robots facilitent les opérations et la réorganisation du travail suit de près. Plusieurs opérations peuvent désormais être robotisées.
Que peuvent les robots ?
Entretenir les sols :
Sortir des herbicides par la robotique. On le voit, des robots dédiés aux grandes cultures maraîchères savent déjà désherber sélectivement et micropulvériser des herbicides, c’est-à-dire, cibler très précisément la mauvaise herbe. L’interdiction du glyphosate, et plus généralement des herbicides vulnérants, donne le sentiment que la robotique agricole permet de remplacer d’abord bon nombre des interventions nécessaires au désherbage mécanique ou à la tonte. Une parcelle viticole est bien différente d’une parcelle maraîchère, dans la mesure où la mécanisation du vignoble a bien géré le sol entre les rangs. Alors l’enjeu en viticulture est de maintenir les niveaux de cavaillon et c’est là que les choses se compliquent, car il faut intervenir entre chaque peuplement de vigne sans le moindre risque de les blesser ou pire, d’en arracher les souches. Le défi technique est donc de concevoir des robots fiables, robustes et suffisamment puissants pour effectuer l’entretien des sols, mais suffisamment précis pour être totalement inoffensifs. À force de technique, on aboutira bien au robot parfait.
D’autres applications complémentaires d’entretien des sols peuvent présenter un intérêt pour la robotisation. L’épamprage, la pulvérisation, l’effeuillage la prétaille.
La mécanisation du vignoble est déjà performante et efficace pour la gestion du sol dans les interrangs.
Remplacer les hottes :
Les robots porte-charges peuvent être utilisés pour remplacer le travail des porteurs, l’un des plus pénibles. Une hotte bien remplie pèse jusqu’à 50 kg. Et ces robots sont déjà livrables avec une fonctionnalité de suivi des personnes, comme des petits chiens fidèles, l’âme en moins, et de chargement de retour. Des tests concluants ont été menés en Champagne.
S’occuper de la prétaille :
L’enjeu est de taille (rires) ! La taille reste pour l’instant une opération méticuleuse ne peut être que partiellement mécanisée lors d’une prétaille, puisqu’elle est longue et méticuleuse. Un robot de taille fonctionnel représenterait la mécanisation complète de l’opération, ainsi que la possibilité de maintenir des schémas de taille traditionnels et de contrôler la charge des bourgeons pour répondre aux spécifications des différentes régions de production. On en trouve déjà dans certains vergers.
Acquérir des données :
Obtenir des informations sur l’état des feuilles grâce à des capteurs, l’Homo viticultiris sait déjà le faire… Et bien ! Cependant, grâce à des robots qui parcouraient régulièrement les vignes et renverraient des petites données bien précises, on peut imaginer que sur d’immenses domaines, l’on pourrait en faire un usage très pertinent. L’identification et la cartographie des symptômes foliaires, la caractérisation de la vigueur sont de plus en plus utilisées comme critères de régulation des interventions au vignoble. Compter les pièces manquantes pour évaluer les besoins de remplacement des souches d’arbres est l’une des tâches faciles à effectuer pour des robots ou des drones. La détection précoce des symptômes de maladies ou de défauts, et aussi une cartographie précise à l’aide d’un rover peut permettre d’améliorer la qualité des raisins. On le fait bien sur Mars ; sans les raisins, mais quand même. Ça et l’intégration des capteurs et de l’intelligence artificielle pour l’analyse des données sont un axe de développement important qui apporte plus de valeur ajoutée aux robots. C’est un peu déjà ce qui se fait un peu partout, la viticulture n’a jamais été arriérée.
Humain ou robot ? Humain et robot ?
Un robot, ça facilite bien les choses ; c’est indéniable. On peut imaginer que l’utilisation de robots au vignoble va diminuer la pénibilité, renforcer l’attractivité du métier et redistribuer du temps de travail vers des opérations ayant une plus forte valeur ajoutée.
Côté environnement, les robots sont une porte d’entrée vers des pratiques utilisant moins d’intrants. Ça ne sera pas encore la panacée. Par-ci par-là, introduire des interventions par la robotique pour s’y faire, et ne pas se laisser dépasser par la concurrence.
Pourtant, on ne peut pas s’empêcher d’y voir comme une espèce de trahison à la terre. De tout temps, le rapport à la terre s’est fait à la main des agriculteurs… Est-ce vraiment le cas ? L’apparition des machines n’était-elle pas déjà cette première trahison ? Déjà Hugo en parlait de la machine : “une immense force qui aboutit à une immense faiblesse. Voilà ce qui fascine les hommes.”. On n’a jamais cessé d’être fasciné au progrès.
Alors, c’est toute une série de questions à se poser très sérieusement. Qu’est-ce qui doit évoluer ? Qu’est-ce que l’on doit préserver ? Une cohabitation est-elle souhaitable ? Bref, qu’est-ce que l’on veut pour notre viticulture ?