La vigne sauvage est tantôt mâle dont les fleurs produisent le pollen, tantôt femelle dont les fleurs portent un pistil et des ovules qui fécondés deviennent des graines puis des fruits. Il faut donc l’aide d’un pollinisateur ou d’un coup de vent chanceux pour féconder la femelle. En ce qui concerne l’évolution, avoir recours à une aide extérieure n’est pas ce qu’il y a de plus efficace. Alors, il fallait à la vigne un trait particulier plus propice à la reproduction. La vigne devint alors hermaphrodite, c’est-à-dire à la fois mâle et femelle.
« Chez la vigne domestique Vitis vinifera, l’expression du gène APRT3-Y est modifiée et elle est en grande partie inhibée, ce qui permet aux carpelles de se former, ainsi les fleurs deviennent à la fois mâles et femelles », explique Gabriel Marais, chercheur au sein du laboratoire biométrie et biologie évolutive du CNRS. Cette transition est tout à fait antérieure à la moindre action humaine. Il fallut très certainement qu’une partie des vignes soit devenue hermaphrodite pour que l’homme puisse accompagner sa métamorphose. L’intuition de Gabriel Marais est que l’homme voyant que les vignes hermaphrodites donnaient beaucoup plus de fruits, il les aurait naturellement sélectionnées. Ceci n’est qu’une simple hypothèse et en aucun cas une certitude scientifique. Enfin, ce qui est certain est que l’hermaphrodisme de la vigne lui a permis de se développer rapidement.La reproduction sexuée.
C’est par ses pépins que la vigne sauvage se propage essentiellement. Les graines germent et donnent des plantes de « franc pied ». Chaque pépin est unique et se faisant comporte aussi un génome particulier fruit de la combinaison du pollen et de l’ovule, eux-mêmes uniques.
Si bien que chaque cépage est le fruit de cette hybridation, de cette reproduction entre deux autres cépages. Le cabernet et le sauvignon sont les parents du cabernet sauvignon ; le gouais et le pinot noir ont enfanté, dans des croisements indépendants, le gamay, le chardonnay, l’auxerrois, le romorantin, et plus d’une dizaine d’autres cépages… On en parlait dans des articles dédiés aux cépages de nos vins de Loire. Si la reproduction permet une diversité dans les cépages, une autre forme de reproduction a été nécessaire pour garder les caractéristiques spécifiques de chaque cépage. C’est une reproduction-sélection.Le bouturage.
On a commencé par enterrer un rameau (sarment que l’on appelle aussi sautelle) pour lui faire prendre racine sans le détacher du vieux plant mère puis de l’en séparer. On appelait ce rajeunissement un provignage ou marcottage. Par la suite, la méthode sera remplacée par le greffage en pépinières.
En multipliant le même individu, cette méthode de marcottage, provignage ou greffage fonde la notion de cépage. C’est-à-dire un ensemble de pieds génétiquement similaires. Cela n’empêche pas qu’une certaine diversité puisse apparaître au fil du temps. Avec lenteur et portant sur quelques traits, les ceps régionaux développent de nouvelles caractéristiques. Du pinot noir vint le pinot meunier tout poilu et aussi le pinot gris qui a perdu son rouge.Façonnée par la main de l’homme, vulnérable par la main de l’homme.
De reproduction en reproduction puis bercés par les conquêtes humaines et le marchandage des cépages sont apparus, adaptés aux conditions locales, et isolés de ceux dont ils provenaient ;
S’esquissa alors la carte des cépages de l’Ancien Monde. La vigne comprend depuis quatre grandes lignées : – Les cépages de table et de cuve du Caucase, de la Méditerranée et de la péninsule Ibérique, issus de l’extension historique vers l’ouest. – Les cépages de cuve d’Europe occidentale issus d’une première extension à partir de la Méditerranée. – Les cépages de cuve d’Europe centrale et des Balkans, issus de l’extension vers le nord. – Les cépages de table d’Orient et du Maghreb, parmi lesquels la conquête arabe a fait disparaître les cépages de cuve. Il y’a tout de même un problème inhérent au bouturage. À force de cultiver la même vigne encore et encore pour n’en sélectionner que les meilleurs individus, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une même plante. Cela a mené les cépages tout au bord d’une extinction. Lorsque le phylloxéra ou le mildiou sont apparus au 19e siècle, le processus de sélection artificiel empêchait la vigne de développer une réponse naturelle contre les maladies. Résultat des courses, la vigne qui ne représente que 3,7 % de la surface agricole française consomme 20 % des pesticides, dont 80 % de fongicides. La vigne est donc extrêmement vulnérable aux variations rapides. Variations que le réchauffement climatique accentue toujours plus.