Sans faire preuve d’un scepticisme exacerbé, il faut tout de même bien comprendre ce qu’est la vigne, d’où qu’elle vient ? De quoi est-ce qu’elle ressort ? Pour bien comprendre comment elle se trouve menacée du réchauffement climatique moderne.
La vigne telle qu’on la connaît a déjà dû faire face aux changements météo. Ce sont ces changements qui ont permis la circulation ces cépages : « Ah ! t’es bien ici, alors tu devrais être bien là-bas. Tu résistes au froid, viens donc ici. Toi t’aimes surtout les grosses chaleurs, alors installe-toi là… » Tous les cépages circulent ! La main de l’homme a façonné la vigne et grâce à cette action elle s’est véritablement métamorphosée. Aucun processus naturel ne la destinait à porter ces gros fruits sucrés qui nous permettent d’en faire nos mirifique vins de Loire. Rouge comme blanc, le vin que nous buvons est l’aboutissement de cette métamorphose. D’une liane grimpante circonvenant aux troncs, à petits fruits durs, l’homme a fait 9000 cépages, dont certains forts et autonomes portent de lourds et gros fruits. Nous en avons changé l’essence et la finalité. C’est donc une création purement artificielle que nos bons raisins.
Tout est parti de là.
Cette liane, vitis vinifera, appartient à la famille des Vitacées (où le genre Vitis comprend une soixantaine d’espèces). On trouve encore cette vigne originelle dans la nature, de l’Atlantique au Caucase, autour du bassin méditerranéen, entre 43° et 49° de latitude nord.
On ne sait pas exactement ce qu’il s’est passé depuis les temps bibliques, l’histoire de ces transformations aurait commencé quelque part vers la mer Noire et l’Iran, peut-être en Géorgie ; entre le VIIe et le Ve millénaire avant notre ère. Difficile de retracer une histoire si ancienne. Pas impossible ! La vigne sauvage est toujours là. Son code génétique n’a pour ainsi dire pas évolué depuis des millénaires. Si bien que grâce à l’ampélographie et à la génétique on peut en reconstituer les métamorphoses, les changements caractéristiques. Et aussi reconstruire l’arbre généalogique de tous les cépages.Qui est Vitis vinifera ?
Vitis vinifera (variété sylvestris ou lambrusque) est une liane grimpante. Elle grimpe aux arbres, d’où son nom de sylvestris. On la trouve dans les forêts que bordent des cours d’eau, ou sur des sols profonds. Comme d’autres, elle cherche désespérément à être exposée en pleine lumière. Alors, si elle n’est pas sous les feux des projecteurs, que l’exposition au soleil est faible, vitis vinefera grimpera jusqu’à la canopée pour s’imposer à la lumière. Et si elle se trouve dans des milieux secs, les racines, qui résistent bien au manque d’oxygène, perforeront le sol jusqu’à pouvoir puiser l’eau des profondeurs. C’en est une qui fait montre d’une détermination sans faille.
La vigne sauvage est binaire. Tantôt, elle est mâle et ses fleurs produisent le pollen. Tantôt, elle est femelle et ses fleurs portent un pistil et des ovules. Une fois fécondés, ces ovules deviennent des graines puis des fruits. C’est étonnant à quel point la génétique nous fait ressembler à toutes choses. Enfin, à cela près qu’il faut l’aide d’un pollinisateur ou d’un coup de vent chanceux pour que le mâle parvienne à féconder la femelle… Fécondée, la vigne sauvage produit des petits fruits noirs à petits pépins épars sur la rafle. Elle a de petites feuilles, très dentées et pas trop lobées. Précoce, elle fleurit tôt. Cette floraison explique pourquoi elle est si persistante et qu’elle n’évolue et ne s’hybride presque pas avec les autres vignes. De cette ambitieuse et tenace plante exotique, tous les vins que nous buvons, tous les cépages que nous connaissons découlent. Et, de changement en changement, d’une adaptation à l’autre, cette vigne est tellement changée par l’action de l’homme et du temps que l’on peut dire qu’elle s’est métamorphosée. Seulement, l’évolution étant ce qu’elle est, les cépages n’ont pas tout perdu de ce qu’elles ont reçu de vitis vinifera. Certaines forces, mais aussi certaines faiblesses persistent au cœur des génomes. Nous le verrons prochainement.