On n’est pas tous égaux face aux effets du climat et de ses aléas terribles qui ne sont plus tellement aléatoires. Les grands brasiers dans le Sud muent la région en une gigantesque fournaise et font souffrir atrocement leurs vignes. Dans cette évolution apocalyptique, la méditerranée pourrait n’être plus bientôt qu’un immense cimetière pour les vignes. Les vignerons y luttent pour leur survie ! Oui, tout cela est bien catastrophique, pas question de s’en réjouir…
Et pourtant, en ce qui concerne notre coin septentrional, il faut bien reconnaître que ce qui cause le malheur au Sud pourrait bien causer notre bonheur. Pour combien de temps ? Sans doute très peu et rien n’est certain. Il s’agira d’un bonheur fugace, inégal et dont on se sent un peu coupable. Le millésime 2022 fut exceptionnel ! Et en moyenne, ces dernières années furent excellentes. Au petit bonheur la chance !
Jetons un petit regard sur les effets du réchauffement climatique dans les vignes.
Un peu de bon.
« Les étés d’autrefois brûlent dans les bouteilles des Canons » aurait dit Mauriac aujourd’hui.
Quasi surréel de le dire, provocateur un peu, mais le réchauffement climatique n’apporte pas que son lot de mauvaises nouvelles. Même les plus mauvaises choses peuvent avoir des effets bénéfiques. C’est le cas dans le vignoble ligérien, où les hausses des températures sont idéales pour la maturité de certains cépages.
Sans renier des aléas de plus en plus difficiles à prévoir et à encaisser, nombreux sont les vigneronnes et vignerons qui confient sans retenue qu’une hausse des températures moyennes bénéficie à la maturité des cépages de la Loire, du chenin, du cabernet franc, cabernet sauvignon, etc. Blancs comme rouges nos cépages sont bonifiés au réchauffement. Il diminue les risques de pourritures avant les vendanges et apporte de la rondeur.
Pourquoi ces bons effets ?
Grâce à un sacré mésoclimat et un réseau hydrographique énorme. La troisième région viticole de l’hexagone possède le plus grand réseau hydrographique. Face à la monté des températures, avoir 25 % du réseau français n’est pas anodin. Les centaines d’affluents et de sous-affluents du plus grand fleuve de France (le Rhin est en réalité plus long, mais traverse plusieurs pays) créent de nombreux microclimats très intéressants pour les vignobles ligériens…
Et surtout du mauvais.
Comme partout, le réchauffement est problématique à bien des égards. Il s’agira de lister certains de ces problèmes ici :
Un débourrement précoce : L’un des effets les plus évidents du réchauffement climatique sur les vignes est le débourrement précoce des bourgeons au printemps. Les températures plus élevées incitent les bourgeons à se révéler plus tôt. Ils sont bien plus vulnérables au gel. Les jeunes vignes surtout risquent de ne pas y survivre.
Une maturation accélérée : Plus qu’il fait chaud, plus que les raisins mâturent vite. Or, c’est précisément ce qu’implique le réchauffement climatique dans nos régions. Ce qui pose problème c’est que ça touche à la qualité du vin même. Provoquant une perte d’acidité, de fraîcheur et de complexité dans les raisins.
Le stress hydrique : La sécheresse ! On ne cesse d’en parler ! Canicule, fourneaux, brasier, on crève de chaud, la vigne aussi. Les restrictions quant à l’irrigation sont encore rares… Pour l’instant ! Grâce aux nombreuses dérogations, mais cela risque fort de ne pas durer ! On en parlait ici
Les risques de maladies et ravageurs : Les températures plus élevées peuvent créer un environnement propice à la prolifération de maladies. Le mildiou s’est propagé à un point tel que l’on qualifie cette année d’historique. Et les ravageurs ! La cicadelle de la flavescence dorée pullulera à cause du réchauffement et ce n’est pas le seul. Alors, encore plus de pesticides et de fongicides sont nécessaires pour protéger les vignobles.
Des mésoclimats chamboulés : Les conditions géologiques et climatiques qui influencent le terroir des régions viticoles évoluent aussi, les sols changent à cause du réchauffement si bien que la typicité des vins en sera inexorablement changée.
Une transition des cépages : Si les sols évoluent, alors les cépages traditionnels peuvent ne plus être adaptés dans ces conditions. Ça a été toute l’histoire des cépages de circuler en fonction du climat. Seulement, les évolutions lentes du climat passé n’ont pas de commune mesure avec ce qu’il se passe aujourd’hui. Au point que l’adaptabilité des cépages à de nouvelles aires de répartition n’est absolument pas garantie.
Ça n’est donc pas très glorieux tout cela, avec des perspectives bien sombres. Mais, il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur. Savoir profiter de ces aléas climatiques pour en tirer des vins d’exceptions ! Tant que nous le pouvons encore… Nous le verrons, le réchauffement climatique touche aussi beaucoup à la qualité du vin.
