Malgré un florilège d’intempéries : neige, froid, grêle, orages et des chaleurs rarement observées dans le Layon ; la vigne tient bon malgré la sécheresse. Débourrement, floraison, nouaison, le cycle végétatif semble si bien continuer que l’on pourrait croire la vigne invulnérable. Ça serait une erreur.
De plus, la succession des arrêtés préfectoraux ne facilite pas non plus le travail des viticulteurs. Et encore, l’imprévisibilité des fluctuations climatiques ajoute un stress quant au bon développement des raisins. Alors, quelles sont les solutions proposées ?
Qu’est-ce qu’il se passe ?
Le terme est certes galvaudé, mais difficile d’aborder les sécheresses sans évoquer le réchauffement climatique. D’ailleurs, la sécheresse n’est qu’un des effets parmi une multitude de bouleversements : fortes pluies l’année dernière, sécheresses cette année, gelées, grêles, etc.
À cause desquels, les trois derniers millésimes furent marqués par des vendanges précoces, des degrés alcooliques élevés et une diminution notable des acidités.
Et si cela ne suffisait pas, dès le 13 avril, le premier arrêté préfectoral limitait l’accès à l’eau des exploitants agricoles avec une interdiction d’irriguer de 10 h à 20 h. Rebelote au mois de mai, puis à nouveau en juin et une nouvelle fois le 27 juillet. Cette dernière interdiction sera élevée au rang d’« alerte renforcée » le 2 août dernier.
Le 28 juillet dernier Ouest-France titrait : « La vigne arrêtera de mûrir » : face à la sécheresse, l’inquiétude des viticulteurs du Layon. Dans un avenir à la pluviométrie incertaine, il y a fort à parier que les contraintes physiques ou préfectorales n’aident pas les viticulteurs qui dépendent essentiellement des eaux pluviales.
L’étonnante résilience de la vigne face aux sécheresses.
Fort heureusement, les vignes ne sont pas démunies face aux sécheresses. De manière simplifiée, voici comment la vigne s’adapte :
Lorsqu’elle subit un stress hydrique, la vigne va ralentir sa croissance. Les pores de ses feuilles, les stomates, vont se rétracter pour préserver la rétention d’eau des cellules, la turgescence, et ainsi garder des réserves pour se développer plus tard. La vigne se rationne. À ce stade, le manque de réserve a des effets néfastes sur la maturation des baies.
Si la sécheresse s’installe trop longtemps, la vigne fermera complètement ses stomates. Et, comme un estomac vide, les cellules vont se rétracter sur elles-mêmes et flétrir. Cette mesure de survie permet à la vigne de limiter, autant que possible, la perte en eau des cellules. Les réserves s’épuisent et se faisant provoquent des embolies et des bulles d’air dans le système veineux de la vigne, le xylème. Ce qui empêche la distribution d’eau vers les tiges.
La vigne risque alors de dépérir. C’est pourquoi elle a développé un ultime mécanisme de survie : la « segmentation de la vulnérabilité ». La vigne se débarrasse de ses feuilles, plus susceptibles de faire des embolies que les tiges, et limite ses besoins au strict minimum.
Cependant, cette fantastique résistance dépend essentiellement des cépages et de leurs spécificités génétiques. Et pour autant, « une sécheresse extrême peut résulter en une perte de la canopée et de la récolte de la saison en cours. » (S.Dayer, M.Gowdy, C. Van Leeuwen, G. A. Gambetta, 2020).
C’est pourquoi il est nécessaire de trouver des solutions viables pour les vignes et pour préserver la diversité des cépages.
Des solutions existent, mais sont discutables.
Bien des prêcheurs de bonnes paroles lorsqu’il s’agit de proposer des solutions.
Chacun défend sa paroisse, alors voyons ce que l’on nous propose.
Chercher du côté des anciennes pratiques :
Voilà ce qu’avançaient Claude et Lydia Bourguignon, tous deux ingénieurs agronomes spécialisés dans la microbiologie des sols. Ils rappellent que les racines des vignes sont obligées de s’associer à des champignons, les mycorhizes, pour se nourrir. Ce qui est le cas de toutes les plantes pérennes. Selon eux, l’utilisation systématique de fongicide entre 1900 et 2020 a tué les mycorhizes en profondeur. Cela a eu pour effet de faire passer les racines d’une taille moyenne de 3,50 m à moins de 50 cm. Ce faisant, elles ne puisent plus l’eau en profondeur. Cette idée suscite un autre débat, celui de l’utilisation du cuivre dans le traitement de la vigne, que l’on n’abordera pas dans cet article.
Diminuer les excès de chaleur sur les baies de raisin :
Lors de fortes chaleurs, les maturations s’arrêtent. Les vignerons cherchent donc à faire baisser la température des baies en travaillant à l’échelle des ceps de vignes. Dans le but de protéger les raisins, des vignerons du sud de la France ont décidé de limiter l’effeuillage, voire de le supprimer. Seulement, cette solution augmente la pression parasitaire lorsque l’humidité remonte, les vignes sont alors plus susceptibles de développer des maladies.
S’adapter aux périodes de sécheresse :
La raréfaction de l’eau sera un enjeu majeur à l’avenir. Sols arides, pluies irrégulières, mauvaise pénétration des eaux dans les sous-sols, c’est une farandole de difficultés à envisager. Pour s’en prémunir, les vignerons s’adaptent en ayant recours à des techniques culturales qui facilitent le drainage des sols, le transfert des eaux de surface vers les nappes phréatiques et qui limitent l’érosion.
C’est le cas de l’enherbement des vignes. Il consiste à maintenir et à entretenir un couvert végétal, naturel ou semé, entre les rangs et autour de la parcelle. Cela permet de fournir des matières organiques au sol favorisant la biodiversité, une meilleure captation des eaux pluviales et de limiter l’érosion. Comme les autres solutions, elle a aussi ses limites, celui de limiter la croissance des vignes en augmentant le stress hydro-azoté. Autrement dit, l’enherbement risque de capter les minéraux et l’eau à la place des vignes.
Pour conclure
Voilà, l’état des lieux est brièvement fait. Comme d’autres, les vignerons s’adaptent aux sécheresses. Sans doute, d’autres évènements viendront attaquer les vignes, mais après bientôt 10 000 ans d’histoire, nul doute qu’elles sauront s’adapter aux changements. Enfin, les techniques s’améliorent et même si la perfection n’est pas de ce monde, il y a de quoi rester optimiste.