Un peu de chimie du vin : Le tampon aromatique, et ses différents composants

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Un peu de chimie du vin, deuxième partie. Revenons-en à nos molécules.

Revenons-en à nos molécules. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’homme ne perçoit jamais tous les arômes d’un vin. Il y en a trop, et là encore, c’est une histoire de quantités et de combinaisons de ces milliards de molécules. Si bien que le vin possède une structure qui entrave l’expression de certaines molécules, susceptibles d’apporter leur note aromatique propre. Il y’a en quelque sorte des agglomérats de molécules (composants) tyranniques qui empêchent d’autres moins puissants de s’exprimer. Il faut une certaine concentration d’une molécule pour qu’elles transmettent sa note particulière. Le professeur Vincente Ferreira, au laboratoire d’analyse des flaveurs et d’œnologie de l’université de Saragosse (Espagne), a démontré dans une étude que « tous les vins ont une base aromatique commune ». C’est de la chimie. De la piquette à l’absolue sublime, y’a cousinage, une hérédité de molécules.

 

Grosso modo, la structure aromatique d’un vin peut se décomposer en trois parties. Une base commune ; les différents composants aromatiques ; les conditions extérieures. 

Le tampon aromatique.

En chimie on se sert de solutions tampons pour maintenir le niveau du PH dans une solution à laquelle on aurait ajouté un acide (qui ferait monter le PH) ou une base alcaline qui le ferait baisser. Quant à notre tampon aromatique, lui, il agit comme un stabilisateur de l’odeur, afin que l’odeur (le nez) ne varie pas trop selon que l’on y fasse l’addition d’une substance odorante ou l’élimination d’un des composés qui constituent la base. Un vin, bon ou mauvais, a toujours un peu l’odeur de vin.

 

Cette base a des composés agréables, la β-damascénone (que l’on trouve dans la rose de Damas) ou de l’ester qui donnent un goût fruité, et d’autres désagréables (alcools de fusel et acides) responsables de notes dites vineuses. Il y a une trentaine de composants volatils dans cette base qui proviennent de la fermentation alcoolique ; cette base détermine bon nombre de propriétés sensorielles du vin.

 

Si bien qu’en fonction de la proportion de tel ou tel composé, de ces agglomérats molaires, dans la base, les matrices aromatiques posséderont des propriétés différentes. Dès lors, plus on aura d’ester ou de β-damascénone, plus on sentira des arômes fruités.

Les différents composants aromatiques.

Fort heureusement, et presque toujours, un vin dépasse les déterminations de sa base. Il se libère de sa condition ! brise ses chaînes ! s’émancipe ! Il se dote de nouveaux arômes. La rose de Damas seule ne suffit pas.

 

On dit alors que le tampon peut être rompu. En chimie, il faut rompre ou ajouter des liaisons moléculaires pour en former des nouvelles. On rompt le tampon de trois manières :

 

  1. À l’aide d’une seule molécule bien concentrée (monomoléculaire)
  2. Par un groupe de molécules chimiquement proches et agissant d’un point de vue aromatique de façon concertée ou « familles de molécules »
  3. Par un grand groupe de molécules partageant une caractéristique générique (fruité, doux, floral…) ou « confédération des molécules »

 

Plus la concentration de ces molécules sera présente, plus l’on s’éloignera de la base pour complexifier le vin. Ce sont les vecteurs aromatiques.

 

Ici, on distingue alors 4 rôles de différentes importances à ces vecteurs :

 

Composés ou familles d’impact : ils transmettent leurs arômes spécifiques au mélange. Leur odeur est clairement reconnue dans l’arôme global, à un point tel que son omission modifie l’arôme, le dénature et devient méconnaissable. On peut citer comme exemple la whiskylactone qui provient de l’élevage en bois de chêne. Que si l’on devait retirer cet arôme de notre crémant le Canon brut « Roche », il en serait irrémédiablement affecté ! Ça donne un petit goût de noix de coco.

 

Contributeurs majoritaires : ils contribuent principalement, mais pas exclusivement, à une note importante de l’arôme du mélange. Même si l’odeur du composant n’est pas reconnaissable dans l’arôme du mélange, son omission est délétère, sabote le goût. Ici, l’on retrouve la famille des γ-lactones. Il s’agit d’un contributeur net, majeur, puisqu’il est constitué dans les vins par cinq composés (γ-octa, γ-nona, γ-delta, γ-undeca et γ-dodecalactonas) et que toutes ces molécules possèdent une saveur semblable qui rappelle la noix de coco ou la pêche. La pêche, on la retrouve subtilement dans le chenin blanc des Canons. On les appelle des familles « pures ».

 

Contributeurs nets : ils contribuent de manière nette, mais moins que les majoritaires, pas principalement, à une note aromatique du mélange. Dès lors, son omission entraînerait une diminution nette de l’intensité de la note aromatique du mélange, mais uniquement des changements mineurs. On y retrouve les familles dites « mixtes » comme la famille de la vanille : vanilline, vanillate d’éthyle, vanillate de méthyle, acétovanillone, syringaldéhyde. On en trouve dans notre Canon blanc sauvignon.

 

Contributeurs minoritaires ou subtils : ils contribuent avec d’autres composés à une note générique de l’arôme. L’omission d’un de ces composés peut passer complètement inaperçue. Ceux-ci, il faut bien les chercher ! Mais on en retrouve dans certains vins blancs élaborés à partir de cépages neutres, de l’ugni blanc par exemple, où les notes sucrées rappellent le pollen de fleurs.

 

Voici dans les grandes lignes ce qui fait l’arôme du vin. Tout se passe au niveau molaire. Tout est chimie. 

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