Ce qui se passe en chimie c’est des rapports molaires. Des milliards de molécules qui vont dans un rigodon d’interactions quasi infinies se transformer, évoluer, se chambouler, se sublimer, s’altérer… La danse ne s’arrête pas tant qu’il y reste un peu d’énergie pour que ces milliards de molécules puissent continuer.
Vieillir c’est s’oxyder ! Comme un clou rouillé, le vin s’oxyde. Pour s’oxyder, il faut du dioxygène, car ces molécules vont faire danser les molécules actives du vin. Tant qu’il y aura de l’oxygène, les molécules vont évoluer, comme pour nous les humains, pas d’oxygène pas de vie.
Autrement dit, pour qu’un vin atteigne les plus hauts sommets, après 5, 10, 15, 20 ans, il lui faut un certain apport en oxygène. Ni trop, ni pas assez, là encore c’est de la chimie. D’où l’utilisation du bouchon en liège, un peu poreux, qui respire et qui laisse un tout petit peu passer de l’air. Si bien que les bouchons modernes, déjà moins charmants que le liège, ne sont souvent pas du tout adaptés, parfaitement hermétiques.
Ce qui fait la différence entre le clou rouillé et le vin, c’est que le vin va se défendre contre l’oxydation. Le vin périclite bien plus subtilement. Reprenons le microscope, on y voit des molécules antioxydantes, qui captent l’oxygène, l’empêchent de se combiner aux différents complexes responsables des défauts visuels et olfactifs ! Elles se sacrifient pour la cause. C’est le cas des polyphénols (anthocyanes et tanins) qui participent à la couleur rouge du vin et de sa texture.
C’est aussi pour cela que l’on a besoin de sulfites, de dioxyde de soufre, ça permet au vin de se conserver correctement. C’est un peu un élixir de jouvence.
À la différence des vins rouges, les vins blancs, eux, ne contiennent pas de polyphénols. Ça tombe sous le sens. Sinon, ils seraient rouges. Alors, on privilégie les sulfites. Cependant, les sulfites sont réglementés. À raison, à trop forte dose, ce n’est pas terrible, presque dangereux. Mais, c’est bien surveillé alors, puisque les doses sont peu importantes, les vins blancs se gardent moins longtemps que les rouges. Quelques autres antioxydants naturels vont les protéger, partiellement. Ça ne signifie pas que les vins blancs ne peuvent pas vieillir ! Non ! Seulement, qu’ils ont moins de quoi se défendre contre l’oxydation, donc il faut mieux les protéger de l’extérieur en leur conférant moins d’oxygène.
Une différence notoire entre les blancs secs et les blancs liquoreux. Leurs compositions diffèrent. Les vins liquoreux, parce que l’on arrête leur fermentation pour conserver un fort taux de sucre. Comment ? Avec des sulfites. Les blancs liquoreux en contiennent davantage que les vins blancs secs. Si bien qu’ils peuvent se garder plus longtemps.
Alors, pour qu’un vin vieillisse sublimement, avec une évolution harmonieuse, il faut une certaine quantité d’oxygène qui doit se combiner en partie aux complexes des tanins et anthocyanes, et aussi aux autres molécules aromatiques.
Comme faire vieillir son vin ?
Pour toute que cette chimie s’opère de la meilleure façon, comme dans toutes les sciences, il y a des paramètres à surveiller.
Le milieu : Le vin doit être placé à l’abri, caché de la lumière, car les rayons ultraviolets accélèrent les réactions d’oxydation du vin. Ces rayons peuvent même donner un goût de lumière.
La qualité de l’air : l’hygrométrie et non l’hydrométrie. L’hydrométrie consiste à mesurer le débit de l’eau et les propriétés physiques de l’eau et des liquides. L’hygrométrie consiste à mesurer l’humidité de l’air. Dans l’idéal, elle doit se situer entre 50 % et 75 %. De cette façon, le bouchon reste hydraté. Si le bouchon sèche, il se rétracte, l’air passe, et le vin s’oxyde. Pas d’odeurs indésirables non plus, le vin risquerait d’en prendre le goût. Les odeurs ce sont des molécules dans l’air.
La température : elle doit se situer entre 10 et 14 degrés et surtout, être constante, sans variations. Les chocs thermiques fusillent la chimie, les échanges moléculaires.
Le contenant : la taille, ça compte ! Comme en classe de chimie, c’est un rapport proportionnellement au volume de liquide, on l’a vu un certain nombre de molécules dans une bouteille de 75 cl, le double dans une bouteille d’1,5 L. Si bien que le vin reste plus longtemps « jeune » dans les magnums. Et, la bouteille de vin toujours couchée pour garder le bouchon humide.
Ainsi donc, tout, tout, tout, tout, vous savez tout sur la chimie du vin. C’est peut-être là-dedans qu’on la trouve la pierre philosophale. Dans toute cette alchimie qui transforme le raisin en gouttes d’or.